1796 – Robert Benson, le suicidé du théâtre de Drury Lane



Après avoir partagé la scène de nombreuses fois avec lui, Nancy Storace figura dans la soirée au bénéfice de la veuve et des enfants de Robert Benson, comédien de second plan qui se suicida en 1796. Il s’était acquis une certaine notoriété dans les théâtres londoniens pour ces emplois de personnages secondaires.
Voici une biographie de ce malheureux comédien, qui se suicida à 31 ans.

Robert Benson (1765-1796) portrait - Nancy Storace's colleague

Robert Benson dans le rôle de Timurkan (qu’il ne joua jamais…)
dans The Orphan of China, tragédie d’Arthur Murphy (1759), d’après Voltaire.
Gravure de Reading, d’après Graham. (1797)

Robert Benson est le fils de deux acteurs de second plan, qui ne se produisirent jamais à Londres.

Né en 1765 (la même année que Nancy Storace…), il fit ses débuts scéniques en 1778, au théâtre du Haymarket, en Prince de Galles (Richard III). On le retrouve ensuite en page dans The Orphan of China, la même année. Il ne réapparait dans les distributions qu’en 1779, en Donalbain dans Macbeth. Il était devenu trop vieux pour les personnages d’enfants, peu de rôles devaient être adaptés pour un adolescent.
Il fait cependant partie de la troupe jusque pour la saison 1780-1781, apparaissant brièvement dans de tous petits rôles : il devait généralement grossir la foule des figurants.

En 1783, il épouse l’actrice Susanna Satchell (1758-1814). Elle est la fille d’un facteur d’instrument. Sa sœur Elizabeth est l’épouse de Stephen George Kemble, ce qui doit sans doute soutenir un peu la carrière de leurs parents. Comme son mari, Susanna n’apparaît que dans des tous petits rôles à Drury Lane.

Londres perd sa trace jusqu’en 1785-1786 : selon les notices biographiques du temps, Benson aurait été employé comme acteur principal à Windsor, dans le théâtre de tréteaux d’un certain Waldron (ou comme co-manager de l’entreprise), ou il aurait joué dans diverses petites villes des environs de Londres. Selon The Secret History of the Green-Room (1794), il aurait compris que « vingt-cinq shillings par semaine dans des emplois de serviteurs valaient mieux que huit ou neuf, dans des emplois de Héros »….

Dès novembre 1786, il se produit à Drury Lane dans des emplois secondaires, ses emplois étant souvent des excentriques comiques, des jeunes aristocrates : son salaire passera ainsi de £ 1 5 s par semaine à £ 3 à 4 à la fin de sa carrière.
On le voit dans divers petits rôles, certains des plus connus aujourd’hui étant Silvius (As you like it), Medium (Inkle and Yarico), Aviragus (Cymbeline), Marcellus (Hamlet), Leicester (Henry II), Burgundy (King Lear), Montano (Otello).

Il apparaît aux côtés de Nancy Storace dans les opéras de son frère Stephen, dans les rôles suivants, majoritairement en remplacement de dernière minute :

The Haunted Tower (en 1790) : Charles
The Siege of Belgrade (en 1791) : Ismael
The Pirates (en 1792 et 1794) : Captain of the Ship (rôle qu’il crée)
No Song, No Supper (en 1793 et 1796) : Endless
The Haunted Tower (en 1793) : Hugo
The Haunted Tower (en 1794) : Baron of Oakland
My Grandmother (en 1794 et 1795) : Souffrance
The Prize, or 2. 5. 3. 8. (en 1794 et 1795) : Mr. Caddy
The Pirates (en 1794) : Otillo
No Song, No Supper (en 1794 et 1795) : Robin
The glorious first of June (en 1794) : Busy (rôle qu’il crée)



Robert Benson at Drury Lane - Nancy Storace's colleague

Compte rendu de presse mentionnant
des remplacements par Benson.


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Le 30 avril 1796, il récite le prologue écrit par Prince Hoare, en hommage à feu Stephen Storace, lors de la création de Mahmoud, Prince of Persia, dans lequel John Braham fait ses débuts.

Benson était connu et apprécié pour sa capacité à apprendre rapidement un rôle. Il reprit donc de nombreux personnages au pied levé, capacité qui le rendit précieux à la direction. The Secret History of the Green-Room(1794) affirme ainsi, assez méchamment,

Comme membre du Théâtre, Mr. BENSON a certainement de la valeur, bien que comme Acteur, il n’en ait pas. Mais, sur les Planches, comme pour toute autre profession, les hommes d’action sont aussi nécessaires que les hommes de génie. En tant qu’homme d’action, Mr. BENSON est extrêmement utile ; cependant, dans un tout autre éclairage, nous craignons qu’il ne s’attire jamais la moindre considération. Il est sobre et travailleur, et évite les dissipations propres à son espèce. Quand, en urgence, on a besoin de quelqu’un pour reprendre un rôle particulier, il est toujours prêt, et étant doté d’un facilité d’apprentissage rapide, il s’acquitte généralement du rôle avec un tolérable succès. En vérité, cette qualité de pouvoir incarner des rôles aussi rapidement le mettrait sans contexte en avant dans sa profession, si sa personne et ses façons n’étaient impropres à soutenir un jeu régulier et correct, et ces défauts nous font penser qu’il ne s’élèvera jamais plus haut que sa présente position.

En 1791, Benson devient manager du théâtre de Richmond. Le succès n’est guère au rendez-vous, et l’expérience s’arrête au bout d’un an. De même, ses tentatives de dramaturge ne rencontrent pas de retentissement, malgré la mise en musique de Samuel Arnold de ses deux livrets.

Robert Benson's suicide - Nancy Storace's colleague

Début d’une brève annonçant la mort de Benson

Après une brève maladie, Robert Benson se suicide le 20 mai 1796. Comme le rapporte en détail The Gentleman’s Magazine, sous l’influence d’une fièvre cérébrale, il se jeta du haut de sa maison, sans aucun vêtement sur lui, et se fracassa sur les pavés… Le probable suicide fut transformé en accident pour permettre l’inhumation.

Il laissait derrière lui une épouse et quatre enfants. Le 9 juin 1796, a lieu une soirée au bénéfice de la veuve. Le Bell’s Weekly Messenger rapporte que :

Ce jeudi, le Théâtre était brillamment et pleinement rempli dans le but humain et charitable d’alléger la détresse et l’affliction de la veuve et des enfants de feu Mr. BENSON. Madame MARA, Mrs JORDAN, et Mr. LEWIS de Covent Garden contribuèrent leurs talents en cette occasion.

The Monthly Magazine, pour sa part, affirme que :

Robert Benson - Benefit Night with Nancy Storace and John Braham



Mais, contrairement à ce que disait ce périodique, le principal propriétaire de Drury Lane, Richard Brinsley Sheridan, en proie à de pressants soucis d’argent, aurait fait main basse sur la recette… Susanna Satchell n’aurait donc rien touché….Elle continua sa carrière jusqu’en 1811, mourut en 1814, laissant derrière elle quatre enfants qui semblent avoir foulé les planches, comme acteurs et actrices et danseuse.


Sources :
Presse britannique.
Playbills.
[HASLEWOOD, Joseph] The Secret History of the Green Rooms: containing authentic and
entertaining memoirs of the actors and actresses in the three Theatres Royal. ... [Vol. 1] Drury-Lane. London, [1794 ?]. (4e éd.)
HIGHFILL, Philip H., BURNIM, Kalman A., LANGHANS, Edward A. A Biographical Dictionary of Actors, Actresses, Musicians, Dancers, Managers, and Other Stage Personnel in London, 1660-1800… Carbondale, s, 1973-1993. (Tome 2)
HOGAN The London Stage 1660-1800. A Calendar of Plays, Entertainments & Afterpieces, Together with Casts, Box-receipts, and Contemporary Comment…, Charles Beecher, Part 5: 1776-1800. Carbonale, 1968. (Vol. 1 : 1776-1783 ; 2 :1783-1792 ; 3 : 1792-1800)


Robert Benson est évoqué pages 231 et 233
et le playbill de la soirée de bénéfice pour sa veuve est reproduit page 403
de la biographie de Nancy Storace,
par Emmanuelle Pesqué

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